Le dernier bastion de la liberté acquise au lendemain du soulèvement de 2011 ne doit pas tomber otage de la pensée unique.
Alors que l’opinion publique est suspendue aux lèvres du Président de la République qui devrait, en toute logique, s’exprimer dans les prochains jours voire dans les heures qui viennent pour donner le cap politique, beaucoup commencent à s’inquiéter du monopole de la vie politique concentré entre les mains du Chef de l’Etat. Jusque-là, les médias qui se respectent avaient réussi à garder une certaine indépendance et une liberté de ton.
Mais les déclarations du membre de la Haica, Hichem Snoussi, nous incitent à nous arrêter un moment et à réfléchir sur le rôle des médias dans ce moment particulier de l’histoire.
«Depuis le 25 juillet 2021, le traitement médiatique est devenu à sens unique, une seule vision et une seule conception enfreignant le principe de pluralisme», a noté Snoussi.
Le dernier bastion de la liberté acquise au lendemain du soulèvement de 2011 ne doit pas tomber otage de la pensée unique.
Bien au contraire, la presse doit redoubler d’efforts pour jouer pleinement son rôle historique.
Celui d’expliquer sans tomber dans le parti pris, analyser sans privilégier une thèse au détriment d’une autre et surtout vérifier, vérifier et vérifier encore toute information avant qu’elle ne soit publiée.
Au final, c’est l’auditeur, le téléspectateur ou le lecteur qui doit se faire sa propre idée. Il n’a aucunement besoin d’un tuteur ou de prêt-à-penser.
Sans cela, les médias participeraient à une forme de balkanisation du pays, où chaque camp pense, dur comme fer, détenir la vérité absolue.
Le premier qui doit être profondément convaincu de tout cela est certainement le locataire de Carthage et son entourage, qui doivent accepter la critique et écouter les voix dissonantes. Il est très important de délaisser ce discours qui consiste à accuser de «traîtrise» ou de «valet des corrompus» toute personne dont l’opinion va à l’encontre de la pensée dominante.
Or, le Chef de l’Etat, dans l’ensemble de ses monologues (puisqu’il refuse toute interview), promeut sa vision binaire du monde : il y a ceux qui sont contre la corruption politique et financière et donc favorables à l’ensemble des décisions du Président, et puis il y a tous les autres, assimilables aux corrompus.
Un tel discours renforce la défiance à l’égard du quatrième pouvoir, et, plus dangereux encore, pousse les journalistes à choisir un camp. Pour un journaliste, choisir un camp est déjà trahir son métier.
Quelles que soient les orientations politiques des uns et des autres, il serait désastreux de tenter d’embarquer les médias dans une aventure hasardeuse.
Les politiques mus souvent par cette volonté d’attirer un maximum d’électeurs, doivent être calmés par deux pouvoirs qui sont les socles de toute authentique démocratie : La justice et les médias. Restons vigilants.